Morgane, quel a été le moment clé dans votre parcours qui vous a convaincue de devenir cheffe et de fonder June Café-Cantine ?
J'ai construit ma carrière dans l'hôtellerie de luxe, travaillant pour plusieurs grands groupes hôteliers et établissements 5 étoiles à Montréal et à Paris. Ma passion pour la cuisine, présente depuis l'enfance, s'est confirmée lors de mon expérience auprès du chef Daniel Boulud à Montréal où je travaillais en parallèle de mes études. Cette passion est restée intacte malgré mes emplois de cadre en hôtellerie. Le vrai déclic est venu lors de ma dernière expérience, dans un hôtel d'un grand groupe hôtelier situé près de la place Vendôme. Même si j'adorais le contact client, je ne me retrouvais plus dans les valeurs portées par le groupe. J'ai réalisé que j'avais besoin de créer mon propre espace, un endroit qui incarnerait vraiment mes valeurs au quotidien. C'est comme ça que l'idée de June Café-Cantine est née !
Votre cuisine est décrite comme métissée et locale. Quelle est votre approche pour marier les traditions culinaires françaises avec des saveurs internationales tout en respectant le terroir rochelais ?
Mon approche culinaire est ancrée dans le respect du terroir rochelais, avec un approvisionnement local autant que possible et de saison toujours. C'est une base que j'ai acquise pendant mes études au lycée hôtelier de La Rochelle et aux côtés de ma grand-mère, qui m'a transmis les traditions culinaires françaises. Mais mon parcours personnel - née au Canada et élevée entre la France et la Côte d'Ivoire - a naturellement enrichi ma cuisine. Mes voyages et ma passion pour les gastronomies du monde m'ont donné envie d'explorer au-delà des frontières traditionnelles. C'est ce qui me permet aujourd'hui de créer des plats qui marient différentes techniques, saveurs et parfums du monde, tout en restant fidèle à notre terroir local.
Comment intégrez-vous votre engagement envers le slow food dans l'expérience que vous proposez chez June Café-Cantine ?
Chez June, le Slow Food est l'une de nos valeurs fondamentales. Tout commence par notre carte, volontairement réduite et qui évolue au rythme des saisons - vous ne verrez jamais une tomate en hiver chez nous ! On prépare presque tout maison, en privilégiant les produits locaux, ou au minimum français quand ce n'est pas possible autrement.
Notre approche encourage aussi une alimentation plus responsable, avec une réduction de la consommation de viande et de poisson. La lutte contre le gaspillage est au cœur de nos préoccupations : on utilise nos produits bruts dans leur quasi-totalité et ce qui reste part au compost. C'est important pour nous de montrer qu'on peut manger sainement et de manière responsable, tout en se faisant plaisir !
Votre menu évolue avec les saisons. Pouvez-vous nous expliquer le processus créatif derrière la réinterprétation des classiques culinaires en fonction des produits de saison disponibles ?
Chez June, chaque changement de saison est l’occasion de repenser notre carte en mettant en avant des produits frais et locaux. On commence toujours par un ingrédient phare – un légume, une viande, un poisson – puis on réfléchit ensemble aux meilleures associations et modes de préparation. On s’inspire aussi des cuisines du monde pour explorer différentes façons de le sublimer. Après plusieurs tests et ajustements, on arrive à un plat qui nous convainc tous. C’est un vrai travail d’équipe, guidé par l’envie de proposer une cuisine de saison, gourmande et équilibrée.
Quels défis rencontrez-vous dans votre démarche d'approvisionnement en circuits courts et comment avez-vous établi des relations durables avec les producteurs locaux ?
L’un des principaux défis de l’approvisionnement en circuits courts, c’est le prix. C’est paradoxal, mais il est souvent moins cher d’acheter des produits venus d’Espagne, d’Italie ou même de Nouvelle-Zélande que ceux produits localement en France. Cela s’explique par les différences de coûts et de conditions de travail, mais le vrai enjeu aujourd’hui est de faire accepter aux consommateurs que des produits bien élevés, de saison et locaux peuvent être un peu plus chers.
Notre relation avec les producteurs s’est construite sur des valeurs communes : proposer des produits dont nous sommes fiers, avec une vraie exigence de qualité et dans le respect des hommes, des animaux et de la nature. Beaucoup de nos fournisseurs nous accompagnent depuis le début, et au-delà du partenariat professionnel, ce sont des personnes que j’apprécie énormément, autant pour leur travail que pour ce qu’ils sont.
Avec votre ambition d'expansion au niveau national, comment envisagez-vous de maintenir l'équilibre entre l'identité locale de votre cuisine et l'intégration de nouvelles influences ?
Notre première ambition est surtout de nous faire connaître au niveau national pour attirer des visiteurs de toute la France qui viennent découvrir La Rochelle et notre café-cantine. À plus long terme, nous aimerions ouvrir d’autres établissements, peut-être pas d’autres June, mais toujours des lieux chaleureux, accueillants et bienveillants.
L’identité de June reflète la mienne : multiculturelle, en mouvement, toujours ouverte aux nouvelles influences. L’intégration de nouveautés se fera donc naturellement, sans jamais perdre de vue nos valeurs. Peu importe où nous serons, nous garderons toujours une priorité : travailler avec des produits locaux et de saison.
Vous proposez un brunch audacieux avec des plats originaux. Comment parvenez-vous à raconter une histoire à travers vos créations culinaires et quelles émotions cherchez-vous à évoquer chez vos convives ?
À travers nos plats, nous racontons toujours la même histoire : celle du goût, du partage et du métissage. Notre brunch mélange les cultures, réinterprète les classiques et intègre des saveurs parfois méconnues ici. Cette approche est nourrie par ma passion pour les cuisines du monde, mon admiration pour des chefs comme Marine Gora, Manon Fleury ou Ottolenghi, mais aussi par mes voyages et mon propre parcours.
J’aime l’idée que nos clients puissent, le temps d’un plat, ressentir ce que j’ai vécu en brunchant à Montréal, en dégustant de la friture en Caroline du Sud ou en retrouvant les saveurs de mon enfance à Abidjan.
Pour plus d'informations : https://junelarochelle.fr/